Critique du roman Casino, de Renée Dunan, par... El Chico (1931)

Publié le par Fabrice Mundzik

Renée Dunan, sous le pseudonyme El Chico, a critiqué un de ses romans dans Le Sourire du 3 septembre 1931 : Casino.

Voici la retranscription de cette critique, publiée dans la rubrique Livres du “Sourire”.

CASINO, par Renée Dunan

Il est probable que la certitude d’écrire des chefs-d’œuvre soit indispensable aux écrivains. Elle rend parfois, pourtant, un peu ridicules leurs auto-compliments. Il en est peu, en effet, pour manquer envers soi-même aux règles d’une admiration échevelée. La plupart se figurent que leur bouquin va révolutionner le monde, et il n’est pas rare qu’un prosateur modeste s’imagine effacer ensemble Homère, Virgile, Rabelais, Balzac et le père Hugo.

Comme j’ai peu de goût pour les gasconnades et les histoires marseillaises en matières critiques, et malgré les relations d’amitié qui me lient à l’auteur de Casino, je m’efforcerai de ne point chevaucher aujourd’hui les chimères de l’exagération laudative.

Voici donc ce qu’est Casino :

Une femme de banque, il commence à y en avoir un certain nombre dans cette profession jusqu’ici purement virile — une femme de banque, donc, traverse une période critique dans ses affaires. On sait que la choses n’a rien d’invraisemblable…

MM. Oustric, de Rivaud, Devilder, Privat-Deschanel, Victor et bien d’autres pourraient en témoigner… Notre héroïne fait alors comme beaucoup, elle tente la chance dans un casino. Elle gagne. Cela arrive aussi. Près d’un million rentre dans son sac à main. Elle l’emporte, évidemment…

Ladite habite toutefois — ceci advient aux rives méditerranéenne — assez loin du Casino heureux. Elle prend ensemble son amant — un gigolo conforme à la tradition — et l’auto, puis se met au volant et démarre…

Mais des bandits l’ont vue gagner. Ils savent où elle demeure et vont la guetter sur la route de la Corniche. Ce sont également des choses qui sont arrivées.

Par chance, après une poursuite mouvementée et une fuite à la nage — la mer est là… — notre banquière sauve son million, et, pour commémorer l’événement, veut élever un autre casino, au lieu même où l’événement advint.

Elle rentre à Paris, subjugue un commanditaire, séduit un autre, s’attache un troisième, agrée le quatrième… etc…

Et un beau jour le Casino sort de terre.

Quant on a construit une merveilleuse bâtisse où les gens seront ravis de perdre leur or, avec bar et restaurant de luxe, avec dancing, salons particuliers pour idylles compliquées et tous agréments réclamés par l’édilité des claque-dents, on inaugure…

Ici, je ne crains pas de dire que les chapitres de l’inauguration du Casino sont pures merveilles. Pas un écrivain d’aujourd’hui n’était capable de faire cette série de scènes tourbillonnantes, papillotantes, tumultueuses, qui, sous un certain angle de force expressive, dépassent ce qu’on peut obtenir normalement avec des mots.

Mais, malgré le faste, le renom, l’argent, la banquière qui a fondé son casino voit bientôt tout lui échapper des mains. Des combinaisons complexes et subtiles de financiers astucieux vont — c’est encore une chose assez quotidienne — l’expulser de son affaire.

Au désespoir, elle rêve de drames romantiques : elle s’ensevelirait sous les décombres de sa création, comme menacent de faire, généralement, les commandants des places assiégées…

Et, conformément aux règles ensemble du roman et de la vie, notre héroïne rencontre enfin un nouvel homme, qui l’aimait en silence, de loin, et sans l’avoir jamais vue. Cette rencontre se fait parmi des contingences assez dramatiques pour donner aux sentiments des deux personnages un tonus violent. Ils s’aimeront donc. La belle Dorvil, créatrice ruinée du Casino, retrouvera le bonheur tant cherché et qui la fuyait. Ou, du moins, a-t-elle un nouveau bonheur à poursuivre…
Casino est mort, vive le Casino…

Ce roman original et qui ne ressemble à rien de ce que l’on trouve généralement sur le papier imprimé, est un symbole assez transparent de l’éternelle insatisfaction des humains et de l’obstinée dureté de l’existence qui n’aide en réalité que les chanceux…

Mais la chance est une prostituée dont tout le monde n’est pas en mesure de se faire l’entreteneur…

Critique du roman Casino, de Renée Dunan, par... El Chico (1931)

Critique du roman Casino, de Renée Dunan, par... El Chico (1931)

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